Les provinces du Canada sont à la traîne des principaux États américains pour ce qui des économies et des dépenses en matière d’efficacité énergétique
Les politiques comme les normes de ressources en matière d’efficacité énergétique se traduisent par de plus grandes économies au sud de la frontièreAlyssa Nippard
Annabelle Linders
Brendan Haley
James Gaede
Abhi Kantamneni
24 Mai. 2022
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- Un nouveau rapport compare les économies, les cibles et les dépenses des États et des provinces
- Les cibles des États américains en ce qui concerne l’électricité sont nettement plus hautes que celles des provinces canadiennes
- Le Canada dépasse légèrement la moyenne des dépenses per capita et des économies réalisées avec les programmes axés sur les combustibles fossiles
Si vous cherchez à militer en faveur de programmes d’efficacité énergétique plus ambitieux pour votre province, nous avons les données qu’il vous faut.
Le nouveau rapport d’Efficacité énergétique Canada compare les économies et les dépenses des programmes d’efficacité énergétique en place dans les provinces canadiennes et les États américains. Nous avons comparé les métriques des dernières cartes de pointage de l’efficacité énergétique au Canada et aux États-Unis :
- Carte de pointage provinciale de l’efficacité énergétique pour 2021
- Carte de pointage des États de l’American Council for an Energy-Efficient Economy pour 2021
Il s’agit de notre deuxième rapport comparatif (le premier a été publié en 2020).
Ce blogue présente les résultats et fournit un certain contexte politique qui explique pourquoi les provinces continuent d’être à la traîne des principaux États américains.
Nota: Les données qui suivent sont les résultats annuels des programmes menés en 2020, une année où la pandémie a eu pour effet général de réduire les économies et les dépenses. Les économies nettes sont comparées entre toutes les provinces en les divisant par les ventes annuelles pertinentes, et les dépenses le sont per capita.
Voici les résultats!
Comparaison entre la moyenne des provinces et celles qui sont en tête
Voyons tout d’abord les résultats globaux. La province canadienne moyenne a des niveaux légèrement plus élevés d’économies et de dépenses per capita liées aux combustibles fossiles que l’État américain moyen.
Toutefois, le Canada est nettement à la traîne quand on compare la tranche supérieure de 30 % des provinces canadiennes et des États américains. Les États américains sont en avance pour ce qui est de la performance et des cibles d’économies d’électricité comparativement à la moyenne des provinces et à celles qui viennent en tête.
Économies liées aux programmes d’électricité
Dans ce rapport, nous comparons les économies d’énergie annuelles supplémentaires aux États-Unis et au Canada attribuables aux programmes d’efficacité énergétique. Ces économies sont présentées comme un pourcentage des ventes résidentielles, commerciales et industrielles en 2020.
🔑 Principaux constats :
- Le Massachusetts a été le plus performant, avec des économies de 2,34 %.
- Seules deux (Nouvelle-Écosse et Île-du-Prince-Édouard) des neuf provinces ayant déclaré des économies figurent parmi les 50 % les plus performants.
- Contrairement au 15 principaux États ayant réalisé au moins 1 % d’économies, aucune province n’a atteint ce niveau en 2020. La Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard sont parvenues à 0,86 % et 0,76 % d’économies, respectivement. Toutes les autres provinces ont économisé entre 0,10 % (Alberta) et 0,52 % (Colombie-Britannique).
Figure 1. Économies d’électricité supplémentaires comme pourcentage des ventes totales en 2020 (les provinces canadiennes sont en rouge et les États américains, en bleu).
Cibles d’économies liées aux programmes d’électricité
Nous comparons ensuite les cibles d’économies d’électricité américaines et canadiennes. Cela donne une meilleure idée de ce que les États et provinces visent (plutôt que leur stade actuel). Et nous présentons les cibles d’économies d’électricité moyennes annuelles comme pourcentage des ventes annuelles prévues sur une période de planification donnée.
🔑 Principaux constats :
- Les États ont déclaré des cibles d’économies nettement supérieures à celles des provinces : 19 États ont fait état de cibles de 1 % ou plus. Seule la Nouvelle-Écosse, avec 1,02 %, a atteint ce niveau d’ambition. Les sept provinces restantes avaient des cibles variant entre 0,36 % (Nouveau-Brunswick) et 0,96 % (Île-du-Prince-Édouard).
- Quand on regarde les moyennes nationales, la moyenne américaine de 1,2 % représente plus du double de la moyenne canadienne de 0,48 %.
- Le Massachusetts, qui a la cible la plus élevée, vise à faire passer ses économies d’électricités annuelles à 2,7 %.
- La tranche supérieure de 30 % des États avait une cible moyenne de 1,91 %, contre 0,99 % pour celle des provinces.
Figure 2. Le gros des États américains cible des économies dépassant 1 %, les principaux visant 2,5 %. En comparaison, toutes les provinces canadiennes sauf une ont ciblé des économies inférieures à 1 %.
Économies liées aux programmes de combustibles fossiles
Nous obtenons un portrait légèrement différent avec les programmes d’efficacité énergétique visant à économiser les combustibles fossiles. Cela inclut le gaz naturel et les « combustibles non réglementés » comme le mazout et le propane. Nous avons comparé les économies entre les provinces et les États comme pourcentage des ventes résidentielles, commerciales et industrielles annuelles et de la demande finale.
🔑 Principaux constats :
- L’Île-du-Prince-Édouard et le Québec se situent parmi les 10 principaux territoires en Amérique du Nord avec des économies respectives de 0,87 % et 0,81 %.
- Le Vermont occupe le premier rang avec des économies de 1,16 %.
- Le Canada était légèrement en avance lorsqu’on compare les économies moyennes, soit une économie de 0,4 % pour une province canadienne moyenne (Nouveau-Brunswick) et de 0,35 % pour un État américain moyen (Maryland).
Figure 3. Économies supplémentaires liées aux combustibles fossiles comme pourcentage des ventes/de la demande finale (les provinces canadiennes sont en rouge et les États américains, en bleu).
Dépenses liées aux programmes
Les dépenses liées aux programmes sont un autre indicateur du niveau d’efforts d’efficacité énergétique déployés dans chaque territoire. Cet indicateur aide à contrôler les différences dans les méthodes d’évaluation des économies d’énergie ou des dépenses dans des secteurs qui sont plus difficiles à mesurer. Notre mesure des dépenses est présentée en dollars canadiens per capita. Elle inclut les dépenses liées aux programmes pour tous les combustibles et toutes les activités d’efficacité énergétique qui peuvent ne pas entraîner des économies énergétiques mesurables, comme l’éducation, le marketing et la recherche.
🔑 Principaux constats :
- Les leaders américains des économies énergétiques sont aussi ceux qui dépensent le plus. En 2020, les dépenses moyennes per capita dans les trois principaux États (Massachusetts, Vermont et Rhode Island) ont été de 147,72 $ per capita. Les dépenses moyennes des trois principales provinces canadiennes se sont élevées à 66,55 $ per capita.
- L’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse font partie des 10 territoires qui dépensent le plus en Amérique du Nord. L’Île-du-Prince-Édouard est la province canadienne qui dépense le plus 99,79 $ per capita, suivie de la Nouvelle-Écosse avec 55,60 $ per capita.
Figure 4. Dépenses per capita liées aux programmes d’efficacité énergétique en 2020 (les provinces canadiennes sont en rouge et les États américains, en bleu).
Meilleures politiques, davantage d’économies
Une comparaison rapide des politiques en vigueur dans les provinces canadiennes et les principaux États américains montre qu’elles se traduisent par davantage d’économies et de dépenses liées à des programmes d’efficacité énergétique. Les principaux États fixent des cibles obligatoires audacieuses, et font en sorte d’aligner les mesures incitatives des services publics sur les économies d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre.
Les principaux États américains ont des « Energy Efficiency Resource Standards » (EERS). Il s’agit de cibles obligatoires à long terme pour les économies liées aux programmes. Elles exigent souvent un investissement dans des ressources d’efficacité énergétique qui sont plus rentables que les options proposées par les fournisseurs. L’Union européenne a aussi instauré des cibles similaires par le truchement de la Directive sur l’efficacité énergétique, qui oblige les États membres à réaliser des économies énergétiques annuelles équivalant à 1,5 % de la consommation énergétique finale.
Ces normes de ressources évoluent à présent pour couvrir différents combustibles et promouvoir des réductions de GES. Le Massachusetts, par exemple, a ajouté aux cibles existantes qui visent spécifiquement l’électricité et le gaz naturel un objectif de neutralité combustible afin de permettre une électrification stratégique. L’actuel plan triennal du Vermont comporte lui aussi des objectifs de réduction des GES en parallèle à des objectifs de rendement traditionnels pour faire des économies et atteindre une équité avec l’électricité.
Aucune province n’a clairement exigé que les organismes de réglementation des services publics saisissent « toute l’efficacité énergétique rentable » au Canada. Les cibles obligatoires existantes n’incitent pas à faire des économies liées aux programmes bien au-delà de ce qui est habituel. Et le Canada n’a pas fixé pour ses provinces des cibles d’économies énergétiques s’inspirant de l’Union européenne.
Des économies d’électricité sont nécessaires pour soutenir l’électrification
Les résultats comparatifs montrent que les provinces canadiennes accusent un retard par rapport aux États américains surtout pour ce qui est des économies annuelles d’électricité. Certaines, comme la Colombie-Britannique et le Québec, ont récemment aménagé de grands barrages hydroélectriques qui ont créé des surplus d’électricité. En réponse à cela, elles ont intentionnellement réduit les économies d’électricité. Mais cela change avec les objectifs de carboneutralité, qui exigent une plus grande électrification des transports et du chauffage. Le délaissement des combustibles au profit du chauffage électrique écoénergétique va accroître les métriques des économies de combustibles fossiles dont nous faisons le suivi. Mais il nous faut faire davantage d’économies d’électricité pour libérer des ressources énergétiques propres appelées à remplacer les combustibles fossiles.
Le plan stratégique 2022-2026 d’Hydro-Québec vise à présent à doubler ses cibles d’économies d’électricité pour soutenir les objectifs d’électrification de la province et promouvoir les exportations. Cette augmentation va quand même laisser la province à la traîne des niveaux d’économies ciblés par le gros des principaux États américains.
D’autres provinces ont freiné les économies d’énergie électrique, ce qu’il faut changer pour qu’elles soient compatibles avec un avenir carboneutre. L’Ontario a plafonné ses budgets d’économies d’électricité en dessous de ce qui est rentable et les dernières projections montrent que l’électrification des transports et des industries comme l’acier va considérablement accroître la demande future. Un nouveau comité d’experts sur la transition de l’électrification et de l’énergie, qui a été mis sur pied par le ministre de l’Énergie, devrait examiner la nécessité de réaliser davantage d’économies d’électricité.
La Colombie-Britannique prévoit intensifier la gestion de la demande d’énergie électrique après avoir suivi ces dernières années une « approche modérée », mais un avenir à émissions net zéro exige encore plus d’économies. Le « scénario d’une électrification accélérée » avancé dans l’Integrated Resource Plan de BC Hydro démontre l’intérêt d’accroître l’efficacité de l’énergie électrique au-dessus de ce qui est actuellement proposé. Cela va permettre à la province d’atteindre ses objectifs de réduction des GES et d’électrification.
La Nouvelle-Écosse est un chef de file traditionnel des économies d’électricité. Toutefois, l’Integrated Resource Plan de 2021 de Nova Scotia Power n’incluait pas de prix du carbone à long terme et la législation des « objectifs environnementaux » du cadre de travail gouvernemental ne comportait pas de norme de ressources d’efficacité énergétique. Comme le prix de référence du carbone est en passe d’atteindre les 170 $ la tonne, une plus grande efficacité de l’énergie électrique devrait être hautement rentable.
Lorsque de nombreux scénarios net zéro projettent des hausses marquées de la demande d’électricité, une des façons les plus faciles de gérer cette demande consiste à économiser davantage d’électricité. Cela fera en sorte que les ressources électriques du Canada soient utilisées avec un maximum de productivité. Il faut, pour bâtir un réseau électrique qui contribue à une économie carboneutre, accélérer rapidement les économies d’électricité. Plus les programmes se mettront tôt à économiser les kilowatts-heures, plus ces économies s’accumuleront à la longue et se répercuteront sur la demande d’énergie en 2030 et au-delà.
Trouvez votre État correspondant!
Vous vous demandez comment votre province peut améliorer ses dépenses et ses économies liées à l’efficacité énergétique? Découvrez comment votre État « correspondant » se débrouille!
Nous avons jumelé quelques provinces avec un État « correspondant » pour examiner les différences politiques. Vous trouverez ci-dessous une comparaison des résultats et des politiques :
- En Ontario et à New York
- En Colombie-Britannique et en Californie
- En Nouvelle-Écosse et au Vermont
New York fait mieux que l’Ontario pour toutes les métriques. Les deux ont des ressources nucléaires et hydroélectriques, mais New York génère actuellement bien plus d’électricité à partir du gaz naturel.
La principale différence politique entre les deux tient au fait que l’Ontario a plafonné les dépenses et les économies liées à l’électricité, et a planifié des économies statiques avec les énergies fossiles. En revanche, New York accroît ses ambitions. L’État cible plus d’économies après 2025 que ce qui est indiqué dans cette étude comparative – l’équivalent de 3 % pour l’électricité et de 1,3 % pour le gaz. New York a aussi établi une cible neutre pour les combustibles afin d’encourager leur remplacement, avec une sous-cible pour un minimum d’économies réalisées avec l’installation de pompes à chaleur.
La Colombie-Britannique et la Californie sont des leaders de l’efficacité énergétique dans leurs pays respectifs – elles occupent toutes deux le premier rang des dernières cartes de pointage des provinces et des États. Toutes deux ont été des pionnières en introduisant de nouveaux codes de construction et normes pour les appareils électroménagers, des exigences zéro émission pour les véhicules automobiles et des systèmes de tarification du carbone. La Californie produit plus d’électricité à partir du gaz naturel et la Colombie-Britannique importe de grandes quantités d’électricité vers cet État du Sud.
En ce qui concerne les programmes d’efficacité énergétique, la Californie dépense légèrement plus per capita, et elle affiche des économies plus grandes liées aux combustibles fossiles et des économies d’énergie électrique nettement plus élevées que la Colombie-Britannique. La principale différence politique tient au fait que l’« ordre de chargement » de la Californie exige de rechercher « toutes les ressources rentables » en matière d’efficacité énergétique, puis les ressources renouvelables rentables. En 2015, la Californie a doublé ses objectifs d’efficacité énergétique. La Colombie-Britannique a des consignes moins strictes : elle demande à sa commission qui encadre les services publics d’envisager d’abord des mesures du côté de la demande et d’expliquer pourquoi les ressources au niveau de la demande ne permettent pas d’effectuer les investissements proposés au niveau de l’offre.
Les deux se tournent vers l’électrification. En Californie, la commission des services publics a apporté des changements visant à utiliser des fonds affectés à l’efficacité énergétique pour accroître l’électrification, et BC Hydro a déposé en 2021 un plan d’électrification qui incite à remplacer les combustibles dans les édifices, l’industrie et les transports.
La Nouvelle-Écosse et le Vermont sont des leaders traditionnels des économies liées aux programmes dans leurs pays respectifs, qui instaurent des programmes au moyen de modèles administratifs de « services publics d’efficacité énergétique ». Les deux dépendent aussi des combustibles non réglementés (mazout et bois) pour répondre à une grande partie de leurs besoins en chauffage domestique.
Le Vermont devance la Nouvelle-Écosse dans toutes les mesures. La principale différence politique tient à une loi du Vermont qui oblige sa Public Utilities Commission à fixer des budgets à un niveau conforme à « toute l’efficacité énergétique rentable raisonnablement disponible ». En revanche, la Nouvelle-Écosse n’est pas astreinte à une « rentabilité totale » et la dernière mise à jour que le gouvernement a apportée à sa législation-cadre des objectifs environnementaux n’incluait pas de norme de ressources d’efficacité énergétique.
Le Vermont a aussi incorporé plus clairement des objectifs liés aux changements climatiques dans ses programmes. Le dernier plan triennal d’Efficiency Vermont comprend un indicateur de rendement de la réduction des GES, en plus des cibles traditionnelles d’économies d’électricité. Les services publics de distribution sont aussi tenus de réduire la consommation de combustibles fossiles de leurs clients grâce à des mesures d’efficacité, au remplacement du combustible ou au stockage.
Les principaux services publics du Vermont appartenant à des investisseurs ont aussi dissocié les revenus des ventes pour aligner ces services publics sur les objectifs en matière d’efficacité énergétique. Même s’il a été récemment question de dissocier les revenus et de réglementer les services publics en fonction du rendement en Nouvelle-Écosse, les services publics de la province ont encore intérêt à augmenter les ventes d’électricité.
Conclusion
La comparaison des États et des provinces donne un portrait plus complet que la carte de pointage provinciale de l’efficacité énergétique, surtout lorsqu’il s’agit des économies liées aux programmes. Toutes les provinces canadiennes ont des programmes d’efficacité énergétique, mais même celles qui dépensent et économisent le plus au Canada sont à la traîne des principaux États américains.
Les différents systèmes énergétiques et les décisions de planification antérieures du Canada ont entraîné des surplus d’électricité, mais ce contexte est en train de changer. Le Canada doit se préparer pour une électrification à grande échelle.
La politique explique les principales différences entre les États et les provinces. Les principaux États américains ont établi des normes claires en matière de ressources liées à l’efficacité énergétique, qui obligent à cibler toutes les économies d’énergie rentables disponibles. Ils alignent aussi mieux leurs modèles et programmes de gestion des services publics sur les objectifs d’efficacité énergétique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
En examinant le contexte nord-américain dans son ensemble, nous voyons que les principales provinces du Canada sont encore à la traîne des principaux États américains. Les défenseurs comme vous peuvent combler cet écart!
Nous vous invitons à consulter les ressources qui suivent afin de réclamer des politiques plus audacieuses en matière d’efficacité énergétique dans votre province :